Dialogue en absence
Par un début d’année assez compliqué émotionnellement, j’apprends la mort fulgurante d’un ami dont je connaissais le cancer depuis très peu de temps. Il peignait.
Ce n’était pas la seule raison pour laquelle nous étions amis… J’étais bouleversée.
J’avais assez peu de temps libre à l’atelier, les étudiants se succédaient, et ma propre formation me demandait beaucoup d’investissement.
Je voulais peindre… je devais peindre !
Et poursuivre les recherches entreprises quelques mois auparavant avec les couleurs minérales.
Sans modèle, sans idée précise, je me suis lancée. Et rapidement, j’ai ajouté un peu de pigment à certains de mes mélanges.
Oh, pas grand chose ! Juste de quoi préciser une nuance, juste de quoi faire claquer un contraste…
Petit à petit, mes trois pierres se précisaient sur la toile, et le jaune s’imposait dans ma palette. Je peignais comme souvent, en me racontant des histoires juste à la frontière de la pensée consciente.
La peinture progressait, elle approchait de son terme, mais il restait des choses à préciser, des contrastes à affirmer, des lignes à définir, d’autres à estomper.
Une amie a vu cette peinture à ce moment là. Nous avions beaucoup parlé auparavant, elle savait pour la mort de R
Elle m’a demandé si cette pièce, je l’avais crée en pensant à lui.
Surprise, je m’en suis défendue. Mais lorsque l’amie a quitté l’atelier et que j’ai trouvé un peu de temps pour me remettre à peindre, je me suis écoutée, et j’ai réalisé que pendant tout le processus d’éclosion de cette pièce, R était avec moi.
Une affaire d’énergies, de souvenirs, comme une complicité entre pairs qui aurait perduré au delà de la mort.
Etrange, magnifique.
Comme souvent, je ne sais pas si cette pièce est bonne. La réponse viendra plus tard.
Ce que je sais , c’est qu’elle est différente, et que le pigment ajoutés à mes couleurs de base me permet de découvrir des chemins encore insoupçonnés.
Une certaine facilité peut-être… Mais quoi, je peins !
Voilà cette peinture, comme toujours aussi, elle perd de son punch à la photo.
On ne peut pas tout avoir !

Stone fruit, 2024
poudres de pierre et terres moulues, pigments et noirs cirés
sur toile de coton 60 x 52 x 5 cm

