Je ne suis pas une blogueuse, je n’ai jamais voulu l’être. Et si je cultive depuis des années une passion pour le journal de bord, c’est exclusivement parce que je l’explore sous ses formes artistiques.
ici
Depuis bientôt trois semaines, j’arpente la ville et ses alentours, solitaire ou accompagnée. Je marche, j’observe, je cherche, je photographie, j’empreinte avec des éclats de charbon les chaussées et les fissures des pierres… Et, me servant pour restituer ce que je glane, des moyens que m’offre la technologie; je réseaute socialement, et je blogue…Un brin poussivement!
Trois semaines de liberté, dévolues exclusivement à ma recherche. Un pur moment de bonheur dont je perçois depuis peu le terme approcher. Les bouffées de plaisir qui me surprennent lorsque je dessine, que je marche, que j’écoute et photographie se font de plus en plus précieuses.
Depuis quelques jours, je sors plus tard, je passe plus de temps à compiler, assembler, présumer, développer des hypothèses et les vérifier.

bâtisses
Ma vie d’occupante d’usines désaffectées (rien de tel pour y installer un atelier) a aiguisé en moi l’amour des grands locaux vides, souvent un peu délabrés.
Depuis le premier matin de mon séjour ici, mon oeil est invariablement attiré par l’usine Zodiac qui domine la ville dans la pente de la combe au dessus de la gare. Il ne m’a fallu que quelques instants pour être convaincue que le bâtiment était vide. Un peu plus longtemps pour constater les premiers signes de décrépitude sur sa façade. Encore un peu plus pour découvrir son cachet architectural, ses moulures colorées, son toit haut perché à pente très basse avec ses larges avancées fermées qui dominent la côte; l’organisation de ses volumes, depuis l’aile haute et fine implantée en angle très ouvert en regard de la tour principale, jusqu’à la marquise du perron de plain-pied…
Au tournant du millénaire, le bâtiment fut loué – prêté peut-être – à des artisans et artistes qui en firent des ateliers ou des locaux de répétition. Depuis deux ans environ, il est à nouveau vide. Il a été racheté par une société immobilière. La même qui tout récemment a transformé la manufacture de l’Angélus, à proximité de l’ancienne usine Luxor où nous séjournons.
Zodiac, en attente de la vente des appartements de luxe de l’Angélus pour enfin subir un lifting que des années d’errance et d’indétermination rendent de plus en plus urgent?

La ville donne hélas plusieurs signes de gentrification, ce mal des cités pauvres que s’accaparent les riches.
nostalgie
La fabrique Zodiac n’a pas résisté à l’invasion du quartz. Comme tant d’autres ici, absorbée par Zénith – toujours présente au Locle au nom d’un groupe aux initiales rébarbatives – elle développe ailleurs ses nouvelles compétences. De la technologie de précision qui faisait son pouvoir et la fierté de sa ville, elle construit aujourd’hui des « montres vintage » pour le compte d’un certain groupe Fossile américain…
La mécanique évolue et diminue en taille à mesure qu’elle se complexifie et se digitalise. L’usine Pizzi existe toujours, elle a simplement quitté ses immenses locaux pour des ateliers discrets au centre ville. Miniaturisation et sophistication des moyens de production faisant loi, les nouveaux ateliers de mécanique de précision, petits, nombreux, pleins d’écrans et de consoles, fleurissent à travers l’agglomération.
La ville change, à la mesure du changement des moyens de production. Les cartes n’ont pas encore fini de se redistribuer…
Et le très beau Musée des Beaux-Arts du Locle est justement fermé pour cause d’accrochage!
En écoute, une pièce sonore de Desartsonnants